Michel Charvet, artiste peintre

Suzanne et les vieillards, ©Michel Charvet
Suzanne et les vieillards (Gouache)

A cette époque vivait à Babylone un homme nommé Joachim. Tailleur de profession, il avait fait fortune dans la confection et, plus précisément, dans le prêt-à-porter. Respecté mais aussi jalousé, il habitait un petit palais entouré d’un parc arboré qu’il se plaisait à faire visiter.

Joachim était marié à Suzanne, un joli brin de femme dont la beauté n’avait d’égal que la bonté. Ainsi, chaque jour que Dieu faisait, elle allait offrir des douceurs aux enfants qui jouaient innocemment près des bassins d’agrément et ne manquait pas, à cette occasion, de distribuer quelques pièces d’argent aux nombreux indigents.

Or, depuis quelque temps, la belle Suzanne faisait l’objet d’une surveillance particulière de la part de deux septuagénaires, à la mine patibulaire. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces deux vieux libidineux en étaient tombés follement amoureux. La situation aurait pu prêter à sourire si ce n’est que ces vieillards, bien que retraités, étaient aussi dépositaires de l’autorité. Cependant, force était de constater qu’ils rendaient la justice en toute iniquité, profitant même de leur impunité pour taxer, à leur profit, les plus démunis…

Un jour où il faisait particulièrement chaud, Suzanne eut envie de prendre un bain dans l’un de ses bassins… Le dernier visiteur parti, elle fit fermer les portes du parc et, une fois seule, sans aucune retenue, se mit complètement nue.

Planqués comme à l’accoutumée dans les fourrés, les deux vieillards vicelards ne la quittaient pas du regard et, émoustillés par tant de beauté, décidèrent de l’aborder :

— Suzanne, charmante enfant ! Depuis longtemps, tes charmes nous échauffent les sens et réveillent en nous le démon de midi. Je t’en prie, cède à nos désirs et accepte en catimini une petite coucherie.

En découvrant les deux pervers, la jeune femme, surprise, poussa un petit cri et, dans un réflexe de protection, dans l’eau s’accroupit, puis, sans se démonter, leur répondit avec répartie :

— Encore faudrait-il que vous ayez les moyens de vos ambitions. Car, à vous voir ainsi tout décrépis, il y a fort à parier que, du côté caleçon, ce doit être plutôt mollasson !

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